Océane Babel, à son tour

À tout juste quinze ans, Océane Babel incarne la relève de l’élite du tennis français. Pas suffisant pour enflammer une jeune fille mature et posée.

 

Ce sont des sortes de petits pantins désarticulés, grosses têtes sans cou, petites jambes en forme de piquets. Les avatars joueurs de tennis du jeu Wii Sports, sur la célèbre console de Nintendo, ne payent pas de mine. Ils ont pourtant contribué à forger la passion de la discipline chez un des grands espoirs français de son âge.

« J’ai commencé le tennis à cinq ans après m’être exercé sur la Wii, retrace Océane Babel. J’avais déjà fait un peu d’athlétisme et de natation auparavant, mais ça ne m’avait pas trop plu. » Au sein du Tennis club sarcellois, en Seine-Saint-Denis – où elle est toujours licenciée -, elle passe entre les mains de deux coachs, avant que les choses ne s’accélèrent. Championne de France moins de 13 ans en 2017, elle réitère la performance dans la classe d’âge supérieure, l’année suivante. De quoi valider l’entrée au Centre National d’Entraînement (CNE) de la Fédération, en septembre dernier. Océane y est chaperonnée par Noëlle van Lottum, ancienne joueuse professionnelle des années 90 (57e mondiale en 1993). « Ça se passe bien entre nous, valide la jeune Sarcelloise. Elle me correspond bien, au niveau du jeu mais surtout sur le plan mental. »

Le mental. Souvent identifié comme le problème majeur de ses aîné(e)s du circuit professionnel, par un public et des médias parfois (trop) économes d’observations techniques. Un point qui, de l’aveu-même d’Océane, doit lui permettre de passer un palier. « Je dois réussir à avoir plus confiance en match, à reproduire ce que je fais à l’entraînement. Je suis encore trop négative sur le court. » Et de citer un début d’année 2019 perturbé par un match, un seul, « une défaite en quarts de finale, à Dubaï, qui m’a complètement déréglée. J’ai perdu mon tennis après ça. »

La tête sur les épaules

Pour provoquer un déclic, faudra-t-il bousculer le cocon dans lequel Océane est lovée ? En vivant en banlieue parisienne, et contrairement à la quasi-totalité de ses camarades du CNE, la jeune fille (elle a fêté ses quinze ans le 26 février dernier) a la chance de voir sa famille le mercredi et les week-ends. « C’est plutôt bon pour mon équilibre, estime-t-elle. Je n’ai pas perdu de contacts. Mes amis ne peuvent pas venir au CNE mais je mange avec eux juste à côté. » L’équilibre : le mot-clé, pour une joueuse que l’on découvre extrêmement calme sur le terrain, à quelques tics d’exaspération près lors des coups moins aboutis. Équilibre en dehors du terrain, aussi : si les six heures quotidiennes de tennis et préparation physique cumulées l’ont contrainte à abandonner le piano, qu’elle pratiquait depuis une décennie, Océane diversifie ses journées : cours (très bonne élève, elle a passé le Brevet des collèges avec un an d’avance l’année dernière), boxe, yoga… et jeux vidéos, toujours.

La tête sur les épaules ; les pieds sur terre. Battue, en l’occurrence. « La terre battue est la surface qui me convient le mieux, je pense. J’aime bien varier les trajectoires, les effets, tenter des amorties… » Une variété que la gauchère, dont le rêve est de gagner un tournoi du Grand Chelem, associe à l’attirail moderne de la tenniswoman : beaucoup de puissance, et un gros service pour rentrer rapidement sur le court. Si le coup-droit reste son point faible, Océane a eu le temps de le travailler suite à une blessure au poignet : « Je ne pouvais juste pas faire de revers. » Ni s’inscrire aux tournois prévus autour du mois de mars. « Frustrant, parce que je sentais que je revenais bien après mon début d’année compliqué. » De retour sur les courts, Océane cherche déjà à rattraper le temps perdu. Mais garde tout l’avenir devant elle.

 

Erwann Simon

Laisser un commentaire