Loudmilla Bencheikh, calme dans la tempête

Future championne du tennis français, Loudmilla Bencheikh mène une vie bien différente des jeunes filles de son âge. Sa sérénité, sur les courts comme en dehors, fait d’elle une sportive déjà mature.

Enchaîner les revers de la sorte, avec cette précision qui confine à l’obsession, requiert un certain degré de concentration. En matière d’exigence, Loudmilla Bencheikh n’est pas la dernière. Il n’y a qu’à voir sa manière de rouspéter contre elle-même après les rares fautes qui émaillent son entraînement matinal.

Dans la fraîcheur d’une séance sur les courts extérieurs du Centre National d’Entraînement (CNE), Loudmilla répète ses gammes, inlassablement. Ces coups qu’elle a déjà frappés un million de fois. Et pourtant, chaque jour de cette vie qu’elle a choisie, la jeune promesse du tennis français (17 ans) se lève en pensant à la balle jaune, juste avant son footing quotidien de vingt minutes à jeun. « J’ai commencé le tennis par hasard, à l’âge de 7 ans », confie Loudmilla. Cela fait donc déjà dix bonnes années qu’elle distribue ses frappes lourdes et ses services ciselés, comme sur le tournoi des Petits As qu’elle a disputé en 2015.

« Une chance exceptionnelle »

Ce matin, c’est Alexia Dechaume qui s’occupe de l’entraînement de Loudmilla. L’ancienne 46e mondiale (en 1992) sort sa raquette, verse les balles dans le seau monté sur des roues. Le cadre peut difficilement être plus propice à l’épanouissement sportif. « Les jeunes ont une chance exceptionnelle d’évoluer dans les installations du CNE, glisse Alexia. Il y a tout ce qu’il faut sur place, ce qui leur permet de ne pas perdre de temps. Et puis, en cohabitant avec les Nicolas Mahut, Lucas Pouille, Alizé Cornet, ils voient ce qui se fait de mieux. » En salle de musculation, on croise Richard Gasquet qui soulève des poids. Loudmilla et ses camarades passent à côté comme si de rien n’était. « Au début, c’était impressionnant de les croiser, avoue-t-elle. Mais maintenant, on a l’habitude, ce sont devenus des gens normaux pour nous. »

A quelques mètres du court n°4, Loudmilla déambule dans les couloirs du CNE. Sa démarche est lente, posé, sûre d’elle. Une chose marque les esprits peu habitués du haut niveau. Les dizaines d’espoirs qui occupent les installations de la Fédération Française de Tennis (FFT) étonnent par la maturité qu’ils dégagent. Peut-être n’est-elle que de façade, comme pour mieux masquer les émotions et les doutes, pour tromper l’ennemi de l’autre côté du filet qui ne demande qu’à trouver la faille ? Mais alors qu’ils devraient naviguer dans les tourments de l’adolescence, ces jeunes sportifs semblent filer dans des eaux calmes et sereines de la vie d’adulte.

C’est sûrement là que ces futurs champions nous fascinent le plus. Ces enfants de la balle qui ne s’appartiennent déjà plus tout à fait. Ils ont sacrifié les excès jouissifs de leur jeunesse au profit d’une vie faite de rigueur et d’efforts. Avec peut-être le succès au bout du chemin de croix.

Des courts aux cours

Avant de rallier la capitale, Loudmilla a quitté ses Landes où vit toujours sa famille. L’éloignement est forcément un peu difficile à vivre, mais les mois ont passé et la routine professionnelle s’est installée entre les séances de kiné, d’ostéo, les bains froids et les cours du soir. Loudmilla entre sur le court, longe les lignes de son terrain de jeu. Elle salue Alexia Dechaume qui remplace Jean-Marie Tenenhaus, son coach habituel, en déplacement.

« Avec Loudmilla, on travaille surtout sur l’intensité qu’elle doit mettre dans son jeu de jambes pour l’associer à la puissance qu’elle dégage naturellement au niveau du haut du corps, explique Alexia. Le principal défi qui lui reste à relever, c’est sur le plan émotionnel. Mais Loudmilla est une fille qui bosse très bien, qui est à l’écoute et qui donne beaucoup. » La jeune championne ne dit pas le contraire. Elle aussi a conscience de la principale barrière qui lui reste à faire tomber : « Je dois encore travailler ma solidité mentale au cours d’un match. »

Au milieu des appartements huppés de Boulogne-Billancourt, le cadre est idyllique. A quelques centaines de mètres du CNE, le Parc des Princes et Jean-Bouin pointent le bout de leur nez. Juste derrière, le saint des saints : Roland-Garros. L’objectif d’une vie est juste là, à portée de raquette. Loudmilla est déjà concentrée sur son placement. Son regard est identique à celui qu’elle affichait dans les couloirs. Calme, serein. La surprise est d’autant plus forte quand le premier coup est donné. La puissance qui se dégage sur le court tranche avec l’attitude paisible et décontractée.

Objectif Top 300

Être joueuse de tennis, c’est aussi voyager. Beaucoup. Loudmilla a déjà disputé des tournois à l’autre bout du monde. Dernièrement, c’est en Australie qu’elle est partie plusieurs jours pour engranger des points au classement junior. Bientôt, elle espère s’habituer aux rendez-vous sur le circuit principal et affronter les stars qui envahissent les écrans, comme ses modèles, Naomi Osaka ou Caroline Wozniacki. « Mon objectif pour cette saison, c’est de réaliser un bon parcours lors des tournois du Grand Chelem junior, et d’intégrer le top 300 au classement WTA. »

Pour parvenir au bout de ce rêve, pour que tout ces efforts en aient valu la peine, il faudra se montrer patiente, réfléchie, calme et déterminée. Jusqu’ici, les critères semblent bien correspondre aux atouts de Loudmilla.

Adrien Corée

 

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