Clément Tabur, la dalle angevine

En intégrant le Centre National d’Entraînement (CNE) en septembre dernier, Clément Tabur a franchi une nouvelle étape de son parcours initié dans un village de Maine-et-Loire, en parallèle de sa passion pour le football. Timide et introverti au quotidien, le joueur de 19 ans traîne une attitude irréprochable sur le court de tennis, où son mental est devenu son atout principal.

 

Le 20 février dernier, lors d’un entraînement au CNE.

 

Clément Tabur n’est pas du genre à parler de lui à la première personne. Pourtant, à l’heure de se prêter au jeu de l’interview, il se confie naturellement sur son parcours, sans le moindre signe de nervosité. Le manque d’expérience du jeune homme de 19 ans vis-à-vis des médias est instantanément dissipé par une sérénité étonnante. Tous les ingrédients y sont : ton juste, mots bien choisis et discours maîtrisé.

Sur un court de tennis, le joueur renvoie cette même tranquillité, sous une casquette bien ajustée, masquant à peine une détermination qui l’a poussé à rejoindre le CNE à Paris il y a moins d’un an : « J’ai commencé à jouer au tennis vers l’âge de cinq ans et j’ai rapidement compris que je voulais en faire mon métier. Sur un terrain, même si je suis malmené et que je prends une fessée, je ne lâche jamais rien. C’est une qualité que tout le monde n’a pas. »

 

Une progression constante

Aujourd’hui 83ème au classement national, Clément aborde de plein fouet une période charnière pour un joueur de tennis, celle qui le voit passer de jeune espoir à talent parmi d’autres sur le grand circuit. Armé de certitudes profondes et intimes au pied de l’inconnu, dans un milieu impitoyable pour les joueurs de second rang.

Du genre pragmatique, il est au fait de ses prédispositions naturelles pour la petite balle jaune. Aux premières loges pour recueillir les louanges des observateurs depuis ses premiers coups de raquette au tennis club de Saint-Lambert-la-Potherie (Maine-et-Loire), il mesure aussi, lucide, le chemin qui lui reste à parcourir : « J’ai une marge de progression importante. L’objectif à court terme va être de monter le plus rapidement possible au classement ITF et de glaner un maximum de points ATP. »

« Il n’a jamais été colérique. Ça faisait partie des choses qu’on lui a inculquées dès ses premiers pas dans le tennis. Il ne s’exprime pas beaucoup, que ce soit dans les bons ou mauvais moments.

Malgré son apparence un peu détachée, c’est quelqu’un qui ne lâche jamais rien, c’est un besogneux sur le terrain. Il a exactement la même personnalité dans la vie privée. »

Arnaud Tabur, son père

Tour à tour scolarisé et entraîné au pôle espoirs de Poitiers, à l’INSEP et désormais au CNE à proximité du site de Roland Garros, le joueur licencié cette année à Nantes revendique son attachement régional et familial : « Dès que j’ai un week-end de libre, j’essaye de revenir à Angers voir ma famille, mes amis. Je suis un supporter du SCO (ndlr : le club de football de la ville), ça fait du bien de retourner au stade de temps en temps. »

En 2013, alors âgé de 13 ans, Clément échange quelques balles avec Nicolas Mahut, qu’il croise désormais au CNE. Les deux hommes ont débuté dans le même club, à Beaucouzé. Photo : Thomas Charrier

Il aimerait s’y attarder plus longtemps à chaque fois mais son épanouissement professionnel passe évidemment par la capitale, dans un cadre propice à la progression : « À Paris, il y a tout sur place : les cours, la salle de musculation, les kinés, les bains froids… C’est beaucoup plus pratique. On a deux entraîneurs pour quatre joueurs, nous sommes privilégiés par rapport aux autres. »

Un confort apprécié à sa juste valeur. Éphémère aussi, tant les joueurs du CNE n’ont pas tous la garantie d’évoluer au plus haut niveau par la suite.

 

Un jeu basé sur le physique

Attentif au moindre détail, Clément a tout misé sur le tennis ou presque. Pas question donc de négliger les éléments hors terrain, à commencer par le travail physique : « C’est très important pour un joueur de tennis. Si tu ne travailles pas physiquement, c’est injouable. Le physique prend une grande place dans mon emploi du temps, quasiment autant que le tennis, je dirais 50/50. Je prends du plaisir à le faire, dans la bonne ambiance, c’est ce qui rend les choses meilleures encore. »

D’autant que son jeu en cadence, plutôt complet et basé sur une intensité forte en fond de court, exige des qualités athlétiques indispensables : « Quand les points durent plus longtemps, je sens que je récupère mieux. Je sens que je suis plus puissant aussi. Des choses que je n’avais pas avant, donc oui je progresse là-dessus. »

Paradoxalement, il ne cherche pas exclusivement à faire craquer son adversaire par un jeu qu’il qualifie lui-même « d’attaquant de fond de court ». Dès que l’occasion se présente, il se projette vers le filet, malgré un physique moins imposant que la plupart des joueurs de sa génération (1m73) : « J’essaye de me reposer plutôt sur mon service et mon coup droit. Mais si l’opportunité est là, je vais au filet pour finir les points. Je me sens à l’aise à la volée. Je n’y vais pas tout le temps non plus, j’essaye de faire le plus mal possible à mon adversaire avant d’aller terminer au filet. »

 

Joueur de simple, mais pas seulement…

De quoi imaginer une carrière de haute volée en double ? Les récentes performances dans ce domaine aux côtés d’Hugo Gaston (victoire à l’Open d’Australie et médaille de bronze aux Jeux olympiques de la jeunesse en 2018) ont fait germer l’idée dans l’esprit de l’Angevin : « À chaque fois que j’ai l’opportunité de jouer en double, je le fais. J’aime faire ça. Jouer en double, c’est plus ludique. Il y a plus de points à la volée c’est un peu plus court, c’est plus fun en quelque sorte. »

Clément Tabur (à g.) avec son grand ami Hugo Gaston, lors de la finale du double en juniors à l’Open d’Australie 2018.
Photo : J. Hasenkopf

 

Envisager une trajectoire à la Pierre-Hugues Herbert, d’abord très performant en double avant de se concentrer, avec réussite, sur sa carrière en simple ? Clément signerait des deux mains : « Si je peux avoir aussi une carrière en double, je le prendrais sans réfléchir.

Son goût pour l’effort collectif, il l’a puisé dans ses campagnes avec l’équipe de France, qu’il a représentée à plusieurs reprises, ponctuées d’un titre de champion d’Europe des 16-18 ans et d’une médaille olympique à Buenos Aires donc : « À chaque fois que je joue pour l’équipe de France, je me surpasse, j’adore ça. C’était un plaisir de jouer et défendre les couleurs tricolores. »

Et si le jeune joueur, fidèle à son caractère, refuse de se projeter vers 2024 et les Jeux de Paris, il se souvient, les yeux scintillants et gonflés de souvenirs, de la campagne sud-américaine : « On est resté là-bas trois semaines en représentant le maillot bleu, c’était incroyable. Il y avait de l’ambiance tous les jours, à chaque instant. C’était un rêve, c’était magique. On avait l’impression d’être à Disneyland mais qu’avec des sportifs. »

De gauche à droite : Clément Tabur, Diane Parry, Hugo Gaston et Clara Burel ont représenté la France aux Jeux olympiques de la jeunesse en 2018.
Photo : FFT

Et si Clément se plaît tant à partager ses émotions au sein d’un groupe, il le doit aussi à son autre grande passion, transmise par son père : le football. Sur son temps libre, il se prête souvent à une partie, à Paris avec les autres joueurs du CNE ou à Angers avec ses amis d’enfance. C’est d’ailleurs à la mi-temps d’un soir de match de Ligue des Champions qu’il s’est confié par téléphone sur ce sport, et sa complémentarité avec le tennis : « Ce qui me manque au foot et qu’on retrouve peu au tennis, c’est l’esprit d’équipe. Tu joues pour tes coéquipiers, pour tes partenaires, tu n’es pas tout seul. Tu te bats pour les autres qui sont à côté de toi. Mon attachement aux épreuves par équipes vient certainement de là. »

« Très tôt il était attiré par les ballons, tout ce qui était rond : basket, football, tennis… Mais il avait beaucoup plus de talent au tennis qu’au foot. »

Arnaud Tabur

Son aptitude à l’effort aussi, cultivée dès l’âge de sept ans dans un club de football local : « Je me souviens que le coach me mettait milieu et que je courais partout, ça travaillait la caisse en même temps. Ça m’a beaucoup aidé, ça m’a énormément développé physiquement. Je jouais en tant que milieu récupérateur, en numéro 6. »

À 13 ans, son départ vers le pôle espoir de tennis de Nantes est à la fois synonyme d’espoir et de crève-cœur, celui de troquer définitivement les crampons pour la raquette.

 

« Mon rêve ? La Coupe Davis »

Lors de son retour la semaine dernière à Angers pour un tournoi à la saveur toujours particulière, sous les yeux de ses proches, Clément s’est incliné au second tour, au terme d’un combat en trois sets face au futur vainqueur de l’épreuve. Mais il relativisait, comme à son habitude : « J’ai fait un bon match, et malgré la défaite, je me suis rassuré sur mon niveau de jeu. J’ai surtout pris énormément de plaisir à évoluer devant mon entourage. » Une bouffée d’air frais dans un calendrier surchargé par les entraînements, les tournois et les cours.

« C’est un mort de faim sur le court mais il n’est pas du style à balancer sa raquette. En dehors, c’est un mec qui n’est pas fier, qui n’a jamais eu le boulard. Dès qu’il revient sur Angers, il prévient tous ses amis et leur accorde beaucoup de temps. C’est le premier à nous envoyer un message. »

Antoine, son ami d’enfance

Désormais, il peaufine sa préparation printanière sur terre battue. Et s’il rêve de remporter un jour la Coupe Davis, il se souvient aussi que sa meilleure performance avait eu lieu sur ocre, à Roland Garros en 2017 avec un quart de finale chez les juniors.

Le joueur de 19 ans s’est incliné au second tour du tournoi d’Angers, après avoir servi pour le match.
Photo : Sebastien Aubinaud, Ouest France.

En attendant de rêver pareil scénario dans le grand tableau, il garde la tête froide et bien calée sur les épaules, heureux d’exercer sa passion au quotidien, sans la moindre pression du cercle familial. Une humilité qui se lit par son comportement sur le terrain : « Quand je suis bien pendant un match, j’arrive à rester calme, à faire la part des choses et me concentrer sur moi-même. Sans pour autant refuser de m’exprimer quand je dois le faire. Sur les fins de tournois ou quand je suis fatigué nerveusement, je commence à parler un peu trop, mais c’est assez rare. Ce sont des commentaires que je garde pour moi car il n’y a pas la nécessité de le dire. »

« J’aimerais juste avoir une carrière longue et constante » enchaîne Clément. Son ambition, mesurée et légitime, est fidèle au personnage, sans artifice et terriblement déterminé.

Alexis PETIT

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