Le slice, effet en voie de disparition

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Souvent décrié, souvent oublié mais surtout sous-estimé, le slice est une arme laissée sur le côté dans le tennis d’aujourd’hui. Seuls quelques irréductibles essaient, encore, de perpétuer un geste si particulier.

Nous sommes le 31 octobre 2007. Novak Djokovic, du haut de ses 20 ans, impressionne déjà dans le monde de la petite balle jaune et se présente au BNP Paribas Masters avec le statut de favori avec sa troisième place mondiale. Face à lui, Fabrice Santoro, 35 ans, vieux briscard du circuit ATP. Puissant, technique et surtout physiquement irréprochable, le Serbe doit, sur le papier, passer un match tranquille face au Français qui, tout doucement, entame sa tournée d’adieu.

Seulement, le match va prendre une tournure assez improbable pour une seule raison : le slice. Santoro, joueur qui a exclusivement joué sa carrière autour de cet effet de balle, va aspirer littéralement la tête de série numéro 3 en un à peine plus d’une heure de jeu (6-3, 6-2). Des exemples comme cela, il y en existe des dizaines. Mais avec l’arrivée des nouvelles pépites du tennis mondial, formatées à un jeu vif, puissant et régulier et le départ des grands découpeurs de petites balles jaunes, le slice a perdu de son utilité.

 

Le bouclier défensif

 

L’art de l’attaque a connu une refonte totale ces dernières années avec le perfectionnement et l’amélioration des raquettes, disposant aujourd’hui d’un tamis plus grand, propice à la puissance des attaques. Même Roger Federer, adepte du contrôle, s’est résigné à s’adapter à une raquette plus grande il y a quelques mois, quitte à laisser derrière lui un soupçon de maîtrise de la balle. Si aujourd’hui, faire une attaque en fond de court revient à repousser au maximum son adversaire de sa ligne, le lift ou la frappe à plat sont largement privilégiés qu’un long slice.

Ce même effet est en revanche quasi-constamment utilisé pour gagner du temps en défense, en renvoyant long et haut pour pouvoir se replacer. Dans une interview accordée à « We Love Tennis », Nathalie Tauziat, finaliste de Wimbledon 1998, identifie ainsi deux types de slice : « Il y a deux slices différents. Dans la tête des gens, le slice constitue la défense. On s’en sert car on est débordé et on enlève une main. Or, on peut s’en servir pour monter au filet et changer de rythme. Federer ne le fait pas que pour monter au filet. Il l’utilise aussi pour changer de rythme quand la balle arrive vite. Le gars en face se retrouve avec une balle qui ne rebondit pas, donc il doit se débrouiller avec. »

Les derniers vieux briscards

Reste encore quelques joueurs, ayant connu la mutation du tennis entre la fin du XXème siècle et aujourd’hui, qui utilisent le slice quasiment autant que les autres effets. Comme Feliciano Lopez, ancien membre du Top 15 mondial, qui utilise quasi-exclusivement le slice pour son revers. Un slice d’attaque, qui repousse son adversaire pour mieux l’acculer une fois au filet.

Chez les femmes aussi, la mutation est saisissante. La puissance a totalement pris le pas sur les effets, avec un jeu à plat obligatoire pour contrer les coups de boutoirs imposés par Serena Williams par exemple, reine du circuit féminin. À noter tout de même la finesse de Maria Sharapova, qui réussissait à casser le jeu et surtout à surprendre son adversaire avec des slices de revers qui faisaient partie intégrante de son entraînement.

Mais le maître de tous reste encore aujourd’hui Roger Federer, qui a presque réinventé l’utilité d’un geste que plusieurs joueurs du circuit ATP essaient aujourd’hui d’imiter. Camouflé par le Suisse, son revers « chopé » permet au dernier vainqueur de l’Open d’Australie de se sortir de situations assez mal engagées. Mais surtout, côté coup droit, bon nombre d’adversaires se sont cassés les dents face à Federer. Sa balle, qui peut tourner jusqu’à 5300 révolutions par minute (en comparaison, une voiture quatre cylindres tourne à 7000 révolutions par minute) s’écrase au sol presque sans rebond, ce qui rend la situation irrespirable pour l’homme de l’autre côté du filet.

Un geste révolutionnaire qui permet au tennisman de 35 ans d’être, après 19 ans passé au haut-niveau, encore surprenant vis-à-vis des Djokovic, Nadal et Murray. Mais la transition vers la nouvelle garde va-t-elle faire disparaître le slice ? Tout dépendra de l’avancée technique du tennis, en terme de raquette, de balle et de surface. Mais un souffle de nostalgie tourne autour des filets.

 

Matthieu Guillot

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