Angele ou démon

Avec ses 2,07 m, Jaimee Floyd Angele, 19 ans, ne passe pas inaperçu. Mais derrière ce géant, se révèle un fort caractère qu’il doit maîtriser. Pour un jour atteindre le plus haut niveau.

Juin 2018, en plein Roland-Garros, du haut de ses 18 ans à l’époque, Jaimee se présente sur le plateau de RMC Sport. Clair dans ses réponses, le ton posé et plein d’assurance, le natif de Clichy-sous-Bois est déjà à l’aise avec les médias. « Ça ne me dérange absolument pas de passer à la télé, il y a zéro pression. Je fais ça avec plaisir et non pas pour me faire connaître », confie-t-il. Un exemple de maturité rare à son âge.

 

Jaimee lors de son passage sur RMC sport en juin 2018.

 

 

 

 

Et sur le plan sportif ? C’est un peu plus compliqué. Le jeune homme est actuellement 629e au classement ATP et espère gagner d’ici peu un tournoi « Futures ». Un objectif qu’il a failli accomplir à Abuja (Nigeria) en avril dernier. Seul Sadio Doumbia lui a barré la route en finale (4-6, 3-6), sa première cette saison. « Les meilleurs de son âge sont mieux classés que lui, il est en retard au niveau du classement », explique Philippe Robin, son entraîneur depuis 4 ans. Le constat peut paraître sévère mais il est à la hauteur des ambitions du jeune tennisman. Alors comment justifier ce retard pour un joueur qui sur le papier possède un énorme potentiel grâce sa taille ? Jaimee résume la situation. « Mes points faibles sont le cerveau et la régularité. J’arrive à garder mon calme mais je n’arrive pas être constant tout en restant agressif. »

Un détail clé pour franchir un cap, surtout en tennis. C’est ce que souligne sa mère, Isabelle, présidente du club de tennis de Pantin. « Dans ce sport tu es seul face aux émotions. Le tennis te pousse dans les retranchements assez vite. D’où la nécessité d’avoir un mental d’acier. Il faut arriver à gérer ses émotions et les transposer dans des actions de jeu positives ». Pourtant l’intéressé y travaille. Depuis le début de l’année, il prend des cours de yoga et fait de la sophrologie même s’il l’avoue « c’est dur d’appliquer ces principes tout le temps. »

« On se dit les choses et ça peut exploser par moment »

Son entraîneur est aussi là pour canaliser toute cette énergie. Mais il a son caractère, aussi fort que son poulain. « Parfois il y a des prises de tête en tournoi ou à l’entrainement. On se dit les choses et ça peut exploser par moment. Ça n’empêche pas de se respecter. On a une relation assez fusionnelle grâce à nos deux caractères. A nous de s’en servir pour que cela lui soit utile. Le jour où ce ne sera plus le cas, la collaboration s’arrêtera. »

L’année dernière, Philippe Robin a mis les nerfs de son protégé à rude épreuve en le testant longuement sur terre battue. Pour un joueur aussi grand, cette surface est difficile à appréhender et exigeante physiquement. L’ocre implique des échanges plus longs, aux antipodes du jeu de Jaimee basé sur un service fort et un coup droit puissant. Des défaites, des raquettes fracassées mais ses efforts n’ont pas été vains. Il a bénéficié d’une wild card à Roland Garros l’année dernière avant d’être éliminé en 3 sets au premier tour des qualifications par Thanasi Kokkinakis (6-1, 3-6, 1-6), 69e mondial au meilleur de sa carrière. Une défaite loin d’être infamante. Mais s’il veut acquérir cette régularité, son entraîneur et sa mère sont unanimes, seul lui a les clés en main. « Il est arrivé à un âge où c’est à lui de décider où il veut aller. » Le message de Philippe Robin est limpide.

Jaimee lors du tournoi Futures d’Abuja en avril dernier

Un éloignement familial dur à gérer

Pourtant dans la vie de tous les jours, Jaimee présente une personnalité différente. Sa mère en parle le mieux. « Parfois il a une autre personnalité sur terrain mais c’est lié à la dureté de son sport. En dehors il aime être entouré et a un certain esprit d’équipe en plus d’être jovial et sensible. Il est aussi responsable même si j’ai un peu de mal à le dire car en tant que parents on attend forcément plus et mieux. Mais globalement il l’est. »

Plus rapidement que prévu, il a été contraint de gagner en maturité. En 2013, il doit quitter sa famille pour rejoindre le CREPS de Poitiers. « Ces deux années ont été difficiles car on attend de vous que vous soyez très vite plus mûr. Il a dû grandir vite. Le cocon familial lui manquait, ce qui n’est pas du tout dans son tempérament », poursuit sa mère.

Sa maturité ne demande qu’à lui être profitable afin d’atteindre un jour les sommets. Pour son coach, « il peut viser mieux que le Top 100. » Pour sa mère « il peut aller très loin, dans le Top 10. » Un tel niveau de performance permettrait de mettre en lumière sa personnalité atypique. Ce n’est pas son entraîneur qui dira le contraire. « L’entraîner est un défi perpétuel, on ne s’ennuie pas avec lui. »

 

Mais pourquoi Jaimee Floyd ?

Jaimee Floyd a une mère belge flamande et un père d’origine vénézuélienne, un mélange original en plus de son prénom. Son père a choisi Jaimee Floyd car il était fan de Jimmy Floyd Hasselbaink, attaquant international néerlandais passé par l’Atlético Madrid et Chelsea au début des années 2000.

 Florian Decloquement

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