Titouan Droguet : « Entièrement ma faute »

À 17 ans, Titouan Droguet est un jeune espoir du tennis français. Champion de France juniors en 2018, il a rejoint Paris et le Centre National d’Entraînement de la Fédération Française de Tennis pour passer un cap. Mais il peine encore à éclater à l’international, la faute notamment à un caractère qui le dessert et des blessures récurrentes.

« On veut aller au bout. » Titouan Droguet a de l’ambition. Aligné en double avec Allan Deschamps au tournoi juniors de Salsomaggiore Terme, en Italie, le 109e mondial chez les juniors voit loin. Une victoire au premier tour qui lui apporte le sourire, après un début d’année difficile. Sur ses 17 matchs joués en 2019, simple et double, en circuit juniors et pro, il n’en a gagné que 7. « La reprise est difficile, le corps n’est plus habitué à jouer, j’enchaîne les petites douleurs. J’essaie de retrouver le rythme, j’ai bien joué dans les Futures et la blessure à l’épaule est partie complètement. » Une blessure qui l’a stoppé pendant plus de deux mois, à la fin 2018, l’empêchant de disputer l’Open d’Australie juniors en janvier. Le mois d’avril arrive désormais à son terme et les sensations reviennent. « J’espère remonter au classement pour pouvoir faire les Grands Chelems juniors, et pourquoi pas avoir une wild card pour Roland-Garros. » Ce n’était pas gagné.

 

« Dur de remonter la pente »

 

Les coups s’enchaînent. Gauche, droite, coup droit, revers, encore et encore. Les nombreuses balles résonnent sous le haut plafond du Centre National d’Entraînement, au cœur du 16e arrondissement de Paris. En ce mois de décembre, Titouan Droguet, t-shirt noir et short bleu, prend son mal en patience. Blessé à l’épaule droite depuis un mois, il ne peut même pas servir. « C’est entièrement ma faute, avoue-t-il, un peu dépité. Je dois être plus sérieux sur la nutrition et le sommeil, faire le plus possible pour ne pas me blesser à nouveau. C’est long et dur de remonter la pente derrière, on a du mal à voir la fin. » Surtout que ce n’est pas la première fois. « Ma saison 2018 avait très mal commencé. J’ai été blessé longtemps, puis j’ai fait un mauvais Open d’Australie. Après, je me suis encore blessé avant un bon été. » La blessure fait partie de la vie du sportif. Et quand celui-ci a 17 ans, comme Titouan, elle provoque des phases de doute. « Ce sont des périodes difficiles à gérer. Pendant ce temps, on voit les autres avancer au classement. » Alors il réfléchit. À sa carrière et à l’éventualité qu’elle s’arrête plus tôt que prévu. « Je pense beaucoup au plan b. Je pourrais essayer de passer un brevet d’entraîneur pour me dire que j’ai quelque chose derrière. » Pourtant élève en Terminale S, il a choisi d’arrêter ses études après avoir raté son baccalauréat l’année dernière. Pour rendre ces « pertes de temps » positives, il améliore ce qui ne va pas. « J’ai travaillé mon physique et mon mental, ce qui n’aurait pas été possible sans la blessure. C’est un mal pour un bien. »

 

« Faire la séance sans dire un mot »

 

Le physique et le mental, les deux points faibles du joueur francilien, à l’allure frêle malgré son mètre quatre-vingt-dix mais au caractère bien trempé. En septembre 2018, il est privé de tournoi par la fédération internationale. Motif ? une suspension d’un mois pour une accumulation de warnings, ces avertissements infligés pendant les matchs par les arbitres en cas de mauvais comportement. S’il est calme et posé dans la vie, sur le court Titouan Droguet casse des raquettes à répétition et s’emporte souvent contre l’adversaire. Cette suspension l’a notamment empêché de jouer l’US Open juniors. Depuis, il travaille avec un préparateur mental. « Je vais mieux, j’arrive à canaliser mes émotions », admet-il en souriant. D’ailleurs, c’est bien souvent la consigne principale à l’entraînement. « Mon entraîneur me dit de me taire. Le but est de faire la séance sans dire un mot. » Un trait de caractère qui pourrait faire penser au tennisman australien Nick Kyrgios, lui aussi réputé pour son comportement excessif. « C’est sûr que quand je les voie, je me dis qu’il n’y a pas que moi. J’aime bien ces joueurs-là. Les créateurs ont souvent des attitudes démonstratives. J’aime la création, mon jeu n’est pas stéréotypé. » Notamment sur terre battue, sa surface préférée. « Mon tennis peut s’adapter à tout type de joueur mais c’est sur terre que j’ai le plus de temps pour installer mon jeu. J’insiste sur le point faible de mon adversaire et je m’appuie sur mon coup droit pour prendre le jeu à mon compte. » Et il cherche toutes les options possibles pour s’améliorer. Sur les courts, Titouan s’aligne aussi bien en double qu’en simple. « Le double apporte en service et en retour, et on est toujours présent à la volée. Ce sont des phases utiles pour le simple. En plus, chez les juniors, le double apporte des points au classement du simple. » Pour remonter au classement, il s’appuie sur son nouveau lieu de vie.

 

« Si en plus, on peut en vivre… »

 

Présent au CNE depuis septembre, à sa demande, il découvre les dessous du haut niveau. « Ce sont les meilleurs conditions possibles pour s’entraîner et pour évoluer comme joueur. Il y a tout ce qu’il faut, même dans les soins. » Trois séances quotidiennes, cinq jours par semaine, et une vie d’interne. Si ce n’est pas encore un métier pour Titouan, ça commence à y ressembler. « Le tennis est avant tout une passion mais si en plus on peut en vivre… C’est un peu la vie de rêve. Tu voyages toute l’année, tu restes tout le temps au chaud et c’est toujours des conditions de jeu parfaites. » Pour y arriver, il s’appuie sur une relation profonde avec ses nouveaux entraîneurs, Younes et Laurent. « J’aime bien avoir une relation qui dépasse le professionnel, qui devient de l’amitié. On passe toute l’année avec eux, on part en tournoi parfois trois semaines avec eux donc il faut qu’on puisse rigoler, passer des bons moments. Sinon c’est long et on joue moins bien en tournoi parce qu’on a envie de rentrer. » S’il a quitté le domicile familial, ses parents restent cependant son principal soutien dans sa vie de sportif. « Ils sont super, ils m’aident dans mon projet sans me mettre une pression de résultat. Ils laissent tout aux entraîneurs. Malgré cela ils me poussent, m’encouragent dans les moments de moins bien. En plus, mon frère et ma sœur jouent aussi au tennis, et je m’entraîne parfois avec eux. On s’entraide et cela ne fait que me pousser vers le haut. » Vers le haut, et notamment vers les tournois ATP, le plus haut niveau qu’il espère atteindre d’ici la fin de l’année. Classé 1286e mondial en octobre, il a perdu tous ses points à cause d’une réforme de la fédération. « On récupère des points ITF sur les tournois Futures, les 15000 et les 25000 dollars, puis quand on en a assez, on peut intégrer les Challenger pour gagner des points ATP. J’aimerais en gagner avant la fin de l’année mais le tennis peut aller très vite dans les deux sens, donc je ne me mets pas de limite de temps. » Avant peut-être un jour de porter le maillot bleu en Coupe Davis, son rêve absolu.

 

Thibault DUCLOS

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