Mylène Halemai, le calme et la tempête

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Très discrète en apparence, Mylène Halemai bout souvent à l’intérieur. 100e mondiale en junior,  la Franco-australienne de 16 ans a rejoint le Centre National d’Entrainement à la rentrée 2017. Son objectif, développer ses qualités physiques et techniques, mais aussi se libérer mentalement.

 « Dans ma tête pendant les matchs, il se passe des trucs. Je pense que l’on est 14. » Sur le visage de Mylène Halemai, rien ne transparait. Elle semble froide, imperturbable. Alors que dans son esprit, tout s’emballe.  « J’ai un blocage dès que je rentre sur le terrain. J’ai tendance à me mettre  la pression toute seule. »  A 16 ans, la 950e joueuse au classement WTA  sait que le chemin sera long pour réaliser son but de devenir professionnelle. Elle doit notamment travailler le revers ou le service sur le plan technique, et se renforcer physiquement pour tenir les longs matchs. Mais pour elle, le chantier le plus important reste l’attitude. Elle n’a pas encore la maitrise de ses émotions. « Depuis longtemps, Je suis négative. Je manque de confiance aussi. Je gagne rapidement de l’assurance, mais je la perds encore plus vite. En l’espace de deux jeux, je peux me sentir super bien, avoir l’impression que je peux balayer mon adversaire, et puis je me dis : « C’est trop beau pour être vrai, je vais rater. » Et je perds tout. Je suis incapable de mettre un revers dans le court. »

Une personnalité réservée

Résultat, Mylène a du mal à rester constante dans son jeu. Surtout face à des joueuses à sa portée, contre lesquelles elle doit rester solide, avoir de la maitrise, et gagner. « A l’inverse quand je n’ai rien à perdre je joue relâchée, comme tout le monde. »

Mylène  connait ses difficultés mentales depuis toujours. « Mais je n’ai jamais su m’exprimer dessus, ou mettre des mots. Je n’arrivais jamais à expliquer ce que je ressentais sur le court. » Le reflet d’un naturel très discret.  «Elle  est assez secrète, reconnait  George Goven, son entraineur depuis le mois d’octobre.  Il faut fouiller un peu pour aller la débusquer dans ce qu’elle peut penser. » Surtout en ce qui concerne le tennis. Dans ce domaine, son tempérament pudique dépasse les relations professionnelles. « Je ne parle pas beaucoup de tennis à qui que ce soit avoue-t-elle. Mes parents connaissent le sport, mon frère en fait. Mais c’est rare que j’évoque le sujet. Même dans la vie de tous les jours, je ne parle pas forcément de moi.»

 

« Georges arrive sur le match, il ne sait pas si je gagne ou perds. »

                                                               

Une attitude qu’elle tente de modifier, petit à petit.  « Elle commence à proposer des choses, apprécie son coach. Je lui répète que  c’est son projet. Je lui transmets des idées, des indications, et après on les adapte. On évolue ensemble en fonction de ce qu’elle ressent. Il y a ses ajustements  à elle, ses sensations. »

Il reste maintenant à exporter ses progrès sur le terrain. A l’instar de l’ancien joueur suédois Bjorn Borg,   Mylène avait tendance à être top démonstrative lors de ses débuts en tennis, il y a une dizaine d’années. Elle cherche aujourd’hui à rester le plus neutre possible.

Je garde tout à l’intérieur. Je n’ai pas l’impression de changer, je suis pareil quel que soit le score. Je crois que c’est ce qui énerve Georges, il arrive sur le match et il ne sait pas si je gagne ou perds. » Elle veut cacher le bouillonnement dans sa tête tout au long du match.  « Mais cet effort ne doit pas aboutir  à  une attitude qui ne montre pas tant que ça que l’on a envie de gagner. On doit faire voir à son adversaire, qu’on en veut plus.  La fille qui montre qu’elle n’y arrive pas, qu’elle est agacée, cela va donner un coup de jus à l’autre joueuse. A l’inverse, si dans les moments chauds elle montre le poing, et la regarde, c’est important.  Je pense que Mylène l’a au fond d’elle-même »  Calme de prime abord et tempétueuse dans son esprit, Mylène Halemai n’a plus qu’à trouver le bon dosage entre Bjorn Borg et John McEnroe.

Adrien Toulisse

 

 

 

Le coup par coup

 

Le mot du coach sur le service : «Il peut devenir un coup fort de son jeu.  Elle a une très bonne première balle, mais fait beaucoup de double-fautes. Depuis le début de saison, on travaille à l’entrainement et en compétition un nouveau style de service, pour qu’elle soit plus régulière. Il faut le temps qu’il se mette en place. »


 

Le coup droit : « Son atout maitre. Mylène a une frappe puissante, et très particulière. Elle fait du mal avec, et l’utilise au maximum. A l’avenir, il faudra garder cette spécificité, tout en renforçant son efficacité. » 

 

 

Le revers : « C’est son coup le moins stable. A l’entrainement, elle en fait de très bons. En match, elle arrive à le maitriser quand elle se concentre, et que tout va bien. Dans ce cas, il peut devenir une vraie arme. Mais lorsqu’elle baisse physiquement ou mentalement, il part vite dans tous les sens et devient son gros point faible. »

 

 

La volée : « Mylène a un très bon sens de la volée. Elle sait monter dans le bon timing, et bien les jouer. D’ailleurs, elle va régulièrement plus loin en double qu’en simple dans les tournois. Mais elle ne l’utilise pas assez, c’est dommage. Avec sa première balle de service, ce serait utile. »

 

 

Style de jeu : « Mon coach, dit que je « tsongalemaie » la balle. J’aime beaucoup me décaler sur mon coup droit comme Jo Wilfried Tsonga, avec une touche personnelle. Je suis offensive avec le jeu basé sur le service  puis décalage. J’essaie d’être solide en revers, de garder mon adversaire dans la diagonale pour le sortir, jusqu’à ce que j’aie l’opportunité en coup droit. »

 

 

Du mur… au top 10 mondial ?

Mylène Halemai a remporté les championnats de France des moins de 14 ans en 2015. (photo FFT)

 

« Mon frère me donnait grave envie de jouer. J’ai essayé, j’ai kiffé et j’ai continué. » Née à Sydney, Mylène Halemaï a commencé le tennis à quatre ans en Australie, en regardant son frère. « Pendant trois ans,  je venais à ses entrainements, puis je m’exerçais contre un mur, toute seule. Je n’avais pas de club ni d’entraineur. Je tentais d’imiter ses gestes. »

Puis ce fut le grand voyage. Mylène a déménagé en France à 7 ans, pour ne plus retourner en Australie. Entre 2009 et 2012, elle a intégré le club de Vendôme pour y faire ses classes,  avant de descendre vers Narbonne, pour réaliser une progression fulgurante. En 2015, elle devient championne de France des moins de 14 ans. Le tremplin vers le circuit professionnel, et le Centre d’Entrainement national depuis la rentrée 2017, à 16 ans.

Pour sa première saison avec son nouveau coach George Goven, elle vit des débuts mitigés. La tournée sud-américaine en février, a été conclue par un match clé dans sa progression. En 8e de finale contre l’Irlandaise Georgia Drummy, elle s’est inclinée en 2h45. « Elle joue une fille 22e mondiale junior, raconte son entraineur. Elle mène 6-3, 2-2, elle joue bien, elle est au-dessus mais il n’y a plus d’essence dans le réservoir. Derrière il n’y a plus de match, elle prend 6-2 6-2. Ce match montre qu’elle a le potentiel pour être au meilleur niveau, mais qu’il y a encore des manques, notamment sur le plan physique. » Pour y remédier, Mylène a effectué un mois complet d’entrainement en mars, pour développer l’endurance, l’explosivité, la puissance et le gainage.

Elle peut maintenant se préparer pour son objectif de la saison, Roland Garros (du 3 au 9 juin). « Sur le moyen terme, je veux devenir professionnelle. Ensuite, on peut rêver d’aller au sommet. » Douze ans après ses débuts, Mylène Halemai garde en tout cas la même passion. « Je ne pense quasiment qu’au Tennis. Si j’arrête pendant trois ou quatre jours, je veux m’y remettre ! ». Seul changement, la terre battue de la Porte d’Auteuil a remplacé le mur de Sydney.

Adrien Toulisse

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