Ambitieuse et impliquée, Tea Zivic dégage, à seulement 16 ans, une étonnante maturité. Sans griller les étapes, elle se comporte en pro, malgré une vie d’adolescente et tous les tracas qui vont avec.
« Je veux être n°1 mondiale et remporter des tournois du Grand Chelem. » Lâchée droit dans les yeux, sans rictus ni battement de cil, la phrase a de quoi surprendre. Mais l’assurance de Tea Zivic n’est pas feinte. À 16 ans, elle n’a ni complexe, ni ego mal placé. Juste des ambitions. « Ça me fait rire les gens qui disent ‘moi je vise le top 10’, s’amuse l’adolescente. On ne peut pas réussir en jouant petit. » Rien de surprenant pour Grégory Garcin, son entraîneur depuis 6 ans au Comité du Val-de-Marne de Tennis. «Un objectif élevé, ça la fait avancer plus que ça ne la handicape. Forcément, il y a des gens qui y voient de la prétention, mais c’est la mentalité française qui veut ça. On est dans un pays où les gens qui ont des ambitions sont mal vus. »
Cet état d’esprit de vainqueur, Tea Zivic se l’est en partie forgé sur les bases de la culture serbe, dont elle tire ses origines. « Là-bas, les gens sont comme moi, pour eux, c’est normal de viser haut. C’est plutôt l’inverse qui étonne. » Fille d’un ancien judoka professionnel, Tea Zivic est née et a grandi en France, pays privilégié par ses parents pour son confort de vie. Si sans grande surprise, elle idolâtre Novak Djokovic « pour son mental hors du commun », mais surtout par esprit patriotique, la question de la nationalité sportive, elle, ne se pose même pas. « La France m’a tellement donné ! Quand je joue, je joue pour elle. » Derrière l’écran, en revanche, les racines l’emportent, et quel que soit l’adversaire, « ce sera toujours Djoko ».
Programmée pour la réussite
La tête bien ancrée sur ses épaules larges, Tea Zivic est organisée et rigoureuse, sur les courts comme dans la vie, « pour ne rien laisser au hasard ». La joueuse de terre, qui « use [ses] adversaires, pour ensuite les finir », prépare déjà des fiches de révision, à deux ans d’un baccalauréat qu’elle appréhende. Autonome depuis la 5e, et ses premiers cours à distance via le CNED, elle a tout de même dû recourir à une aide scolaire. «L’école à la maison, c’est vraiment dur, surtout que mes parents ne sont pas Français. Ils parlent, comprennent, mais ne peuvent pas toujours m’aider. » Pour cette élève curieuse, ouverte et éveillée, l’université n’est pas une option. «C’est tennis à 100 %, je ne compte pas faire d’études. Si je donne tout dans mon sport, ça va forcément payer. Au fond, je pense que ça me rassure aussi de penser ça. »
Car malgré ses envies de contrôle total et son souci du détail, Téa Zivic n’exclut pas l’échec. Elle ne l’envisage pas une seconde pour autant. Parce qu’elle se programme pour la réussite, mais également car malgré son jeune âge, la Franco-serbe est déjà consciente de la misogynie du monde dans lequel elle a choisi d’évoluer. « Avoir un bon niveau, c’est aussi un moyen de se faire respecter. Je le vois au quotidien, c’est dur d’être coach quand on est une femme par exemple. Il faut avoir encore plus de légitimité qu’un homme pour obtenir les mêmes choses. C’est terrible, mais on y est habituées à force. »
« L’alimentation, c’est un calvaire ! »
Le professionnalisme d’une joueuse WTA et la conscience d’une femme. Mais aussi la naïveté et l’innocence d’une jeune fille, qu’elle reste malgré tout. Cet aspect ressurgit quand, après avoir ingurgité ses 1600 calories quotidiennes, Tea Zivic est prise de gourmandise. « J’aime le chocolat, j’aime les gâteaux ! Je dois me faire plaisir, sinon je vais craquer. » Car elle l’assure, « l’alimentation, c’est un calvaire ». Depuis sa rencontre avec une nutritionniste, et l’instauration d’une pesée hebdomadaire, Tea a même développé un complexe sur son poids. « Je sais que c’est normal que je pèse plus lourd que les autres filles du club, vu ma taille et ma morphologie. Mais quand même… » Elle tempère. « C’est pas grand-chose, je suis adolescente, toutes les filles de mon âge ont leurs complexes. »
Thibaud Kerebel
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