Romain Gales, avantage maturité

Romain Gales, 15 ans, arrive déjà sur le circuit des adultes (crédit photo : Le Télégramme).

Trois mois après le début du confinement, Romain Gales a retrouvé le Centre national d’entraînement (CNE). Le Breton de 15 ans s’apprête à reprendre les tournois Juniors et surtout Futures (plus bas niveau professionnel), cibles privilégiées des parieurs. Cet espoir du tennis français se démarque par sa maturité, symbole d’un apprentissage réussi auprès de la fédération.

« Tu es vraiment nul, il faut que tu arrêtes le tennis ! » Décontracté, un sourire en coin, Romain Gales énumère les messages reçus sur son compte Instagram. « Quand on fait des tournois seniors, on reçoit souvent des insultes après les défaites. J’en ai déjà reçues pas mal. » Ce Breton de 15 ans arpente depuis septembre 2019 le circuit mondial des adultes. Entre deux tournois Juniors, consacrés aux moins de 18 ans, le natif de Pont-l’Abbé découvre les Futures, tout en bas de l’échelle du tennis professionnel masculin. Si ces compétitions ne sont pas médiatisées, certains sites de paris en ligne les ouvrent à leurs adhérents. Une pratique illégale en France, mais autorisée dans nombre d’autres pays. Ce fléau de la petite balle jaune n’implique pas seulement une corruption de certains joueurs, mais également que des adolescents soient la cible de parieurs en colère.

Savoir résister aux insultes

Le jeune espoir n’a disputé que sept tournois seniors, mais le problème s’intensifie. Logique : il franchit plus régulièrement les qualifications et les premiers tours. Romain Gales a reçu des insultes lors de deux de ses trois derniers tournois. « J’en ai reçu 3 ou 4 en Tunisie (Tabarka, octobre 2019) et après à Bagnoles-de-l’Orne, en janvier. » À chaque fois, la même méthode : « Ils parlent en anglais avec un faux compte. » Sur son compte personnel, comme tout jeune de son âge, Romain Gales se connecte… puis affronte la haine. « Mine de rien… Tu lis quand même le message. »

La question de la gestion des réseaux sociaux pour les jeunes athlètes n’est pas récente. La FFT s’est emparée du problème, en apprenant les bons réflexes aux pensionnaires de son CNE. « J’en ai parlé au tout début avec mon entraîneur (Jérôme Potier), détaille Romain Gales. Il m’avait dit de bloquer ces comptes directement. Du coup, quand j’en reçois, ça me fait plutôt rire qu’autre chose, parce que les gens ne sont pas super intelligents d’envoyer des messages comme ça. Ils savent forcément que je suis jeune, mais ils s’en fichent : c’est leur métier de parier sur des matches. Nous, quand on fait ces tournois-là, on est vraiment là pour progresser» Prendre conscience de la réalité, la maîtriser, la dédramatiser, pour retrouver le plaisir de jouer : tel est l’un des grands progrès réalisés par l’adolescent… et par le CNE dans la compréhension des risques sur le plan mental. Le haut niveau passe par là.

« On se dit que c’est possible »

Il en fallait du cran, déjà, pour quitter sa famille il y a un an, au beau milieu des années collège. Une bonne dose de persévérance, aussi, pour assumer l’intense préparation du CNE. Mais depuis ses débuts en Bretagne, à l’âge de 4 ans et demi, Romain Gales sait ce qu’il veut. « C’est un rêve de jouer Roland-Garros. Les premiers matches que j’ai vus, c’était sur terre battue. » Et un Espagnol vainqueur de 13 titres Porte d’Auteuil n’a cessé de le motiver. « Petit, je regardais les matches de Rafael Nadal. Je me disais : ‘‘Il est gaucher, comme moi !’’ Et ce que je préfère chez lui, c’est sa combativité, il ne lâche jamais rien. »

Une mentalité à conserver pour affronter une concurrence rude, chez les Juniors autant que chez les Seniors. Au CNE, il pense avoir tout ce qu’il faut pour y arriver. « C’est génial, on a tout sur place. On peut s’entraîner, on a une salle de physique, elle est top. On a les kinés… » Il convient d’ajouter un préparateur mental, qui permet à l’adolescent de « prendre beaucoup de recul, de jouer les points à fond. Je me dis que c’est peut-être ça qui me fera gagner un match, et ensuite un tournoi. » Dans son vocabulaire, le mot « victoire » n’est jamais bien loin. « On se dit que c’est possible. Quand on voit que les joueurs formés ici arrivent souvent à percer, on se dit que si on travaille bien, on a plus de chances que la moyenne d’être au haut niveau. » N’en déplaise aux parieurs déçus, Romain Gales n’est pas près d’arrêter le tennis.

Théo Troude